Daniel; the grand-son of Jesus -loaded

un: fred clarke

Partie i: Glory Days
« Et maintenant dans Tracks, l’histoire de l’un des plus gros scandales survenus dans l’industrie musicale : l’affaire Fred Clarke. Ce nom est le pseudonyme d’un jeune acteur de films gay pour adultes au début des années 70 dont la véritable identité nous est inconnue. Installé à New York, il tourne dans diverses productions dès 1969 (il est alors âgé de 18 ans) et se fait rapidement un nom dans les milieux clandestins de la Grosse Pomme. En 1974, Clarke rejoint en tant que guitariste/chœur un groupe de rock de la scène underground new-yorkaise, The Last Raining Nights, qui peine à se faire un nom dans le monde très fermé de la musique. Le groupe rejoint une maison de production d’artistes similaire à la Factory de Wharol dans les années 60, Babylon, et les LRN commencent les enregistrements de ce qui allait être le troisième album du groupe, le premier incluant Fred Clarke. La petite « notoriété » de la précédente carrière de ce dernier jette un peu de lumière sur le groupe sur lequel l’attention de la presse commence à se porter –même si c’est pour les mauvaises raisons : Clarke devient à la fois une mini-icône alternative et un symbole à abattre pour les plus conservateurs ; certains raillent l’accent britannique dont il ne se défait pas tandis que d’autres l’imitent religieusement, une partie des anciens fans des LRN se détournent du groupe alors que de nouveaux amateurs achètent leurs vinyles… Et voilà qu’en mars 1976, le porte-parole du groupe annonce la sortie du nouvel album de groupe pour le mois de juillet suivant… Mais en coulisses, des désaccords commencent à se manifester ; le propriétaire de Babylon s’est pris de passion pour Clarke et souhaite le mettre en avant sur la pochette du prochain vinyle ce qui n’est pas au goût de certains autres membres du groupe qui ne voient pas d’un bon œil cette médiatisation. Un compromis est finalement trouvé : Clarke sera bien mis en avant sur la pochette mais l’artwork permettra au groupe de faire parler de lui à une plus grande échelle. Et un juillet 1976 sort ledit album, avec le couverture suivante : [HJ: légère nudité humhum]

Spoiler:

Les critiques musicaux ne s’intéressent même pas au contenu du disque et ne parlent que de l’emballage tant la pochette choque, d’autant que, comme le célèbre album « à la banane » du Velvet Undeground, une surprise se cache sous l’image que l’on peut décoller : en dessous, Clarke pose entièrement nu à nouveau, mais de front cette fois (même chose sur le vinyle lui-même). L’artwork a beau être grossièrement travaillé et peu élaboré, ces images d’un homme nu heurte les sensibilités peu habitués à ce genre de choses, d’autant plus que les paroles des chansons évoquant l’amour porté à un homme ont des relents d’homosexualité, étant chantées par un homme. L’Amérique se soulève contre ce genre d’abus et les Last Raining Nights deviennent tristement célèbres pour avoir osé choquer la population. Pour contrer cet effet néfaste, le groupe renvoie Clarke qui entretenait alors une relation avec la bassiste et choriste du groupe, quitte Babylon et réédite le vinyle avec un nouvel atwork. Mais le mal effet et le groupe se dissoudra en novembre 76. Clarke quant à lui retourne presque immédiatement à l’industrie pornographique et pour le film qu’il tournera immédiatement après avoir quitté le groupe, Clarke touchera le plus gros cachet jamais empoché par une star de porno gay et lorsqu'il quitte New-... » Coupure d’éléctricité, l’écran devient brusquement noir. Tracks, décembre 2009.

Partie ii: Let the Boy Breath
Je trouve mon partenaire attirant, c’est écrit dans le script. Je lui souris, je lui fais comprendre que l’honneur le plus suprême qu’il pourrait jamais me faire, c’est de me laisser entrer dans son lit. Tout ça en étant aussi subtile que si j’avais baissé mon pantalon devant lui. On s’embrasse, et on aime ça, enfin… on a l’air, c’est ce qui compte. Que le pauvre type de l’autre côté de son écran y croit, qu’il ait envie d’être à la place de l’un de nous parce que qu’est-ce qu’on a l’air de savoir s’y prendre ! C’est pas marqué dans le script ça, c’est juste une sorte de truc qu’il faut assimiler rapidement si on veut réussir dans ce milieu. « PAUSE ! »
Mais est-ce qu’on veut vraiment réussir là-dedans ?
Je regarde le réalisateur, Ollie Asbury ; c’est lui qui possède Babylon, la boite qui a failli faire de moi une star ; la caméra continue de tourner un petit peu et elle me filme en train de le regarder.

Spoiler:

Il est là incognito, il a déjà fait assez d’esclandres avec la pochette des Nights. Moi je trouvais ça cool. J’aime bien ce genre de mini-révolutions. Depuis, des gens m’arrêtent dans la rue pour me demander si c’est bien moi, le cul.
Est-ce que c’est ça, réussir dans ce milieu ?
Je fixe Ollie. Lui il regarde ailleurs. Il regarde l’autre, le petit, John je crois. Ou Edward. Ou peut-être Franck. Un jeune garçon, même pas majeur. Mais Ollie les aime jeunes, la preuve : il m’aime moi. Il me le répète souvent.
Je crois que je suis en train de tomber amoureux du petit. Le petit, je ne me souviens plus de son prénom. Liam, c’est ça, oui. Liam quelque chose. Il habite San Francisco mais il est venu passer les vacances d’été à Gotham –si ces parents doutaient de ce qu’il y fait, des gens qu’il y fréquente !
Lequel des deux je préfère ?
Liam, si c’est bien son prénom, allume la cigarette qu’Ollie a à la bouche.
Je crois qu’Ollie m’attire plus physiquement. Et sexuellement parlant, c’est du caviar. J’aime bien les hommes matures. Mais Liam… London. Lawrence ? Luke… Non, Liam, Liam c’est ça, il a cette part de mystère en lui, il ne parle presque qu’avec Ollie. Parfois il me regarde en souriant, comme s’il savait qu’on partage le même amour, qu’une partie de l’amour que je devrais recevoir, c’est en fait lui qui le reçoit. Je sais qu’il est très sensible, il a déjà tenté de se suicider plus jeune. Et il écrit beaucoup. Et il est photographe aussi, Ollie m’a dit qu’il avait du talent pour la photo ; je le crois, il s’y connait.
Le scénario insiste sur le fait que je dois exagérer le plaisir que m’apporte l’autre type. J’ai collé un masque virtuel d’Ollie sur sa tête pour m’aider. Parfois il y a des interférences et c’est Liam qui est sur moi.
Je crois que j'ai réussi dans le milieu.

deux: europe

Partie i : Shoot the Past
« Mais chéri... Enfin... » Silence. Le temps est suspend entre midi et quinze minutes et midi et seize minutes. Et les aiguilles de l’horloge reprennent leur course.
Bien sûr Maman mit quelques temps à s’y faire. Il lui fallut s’habituer à l’idée de savoir que son fils ne lui donnerait jamais de petits enfants, qu’un jour peut-être il lui présenterait un homme avec lequel il voudrait faire sa vie. Il était jeune ce jour-là, Daniel, assez jeune. Seize ans, peut-être un petit peu plus. Il était encore au lycée. Papa en revanche… Ce fut de lui que vint la surprise. Il prit Daniel dans ses bras. Danny ne savait pas quoi faire c’était évident. Il s’attendait à une réaction violente et colérique de sa part à lui, cet homme strict et aux sensibilités extrémistes. Pourtant Papa n’en fit rien. Passé l’étonnement, je compris pourquoi il avait agit de la sorte ; Papa contrairement à Maman a toujours aimé être proche de ses enfants. Il n’a jamais vraiment aimé qu’une nourrice s’occupe de nous. Tous petits il nous emmenait dans ses promenades, nous apprit à conduire, à faire du vélo, nous donna des leçons d’Allemand… Maman a toujours été une aristocrate traditionnelle. Elle n’aimait pas jouer à la poupée, alors que Papa aimait notre présence à la folie. Et il a lié avec chacun de nous des liens particuliers. Moi j’étais sa petite fille, sa protégée, celle à qui personne n’a jamais fait de mal. Et Daniel a reçu un amour paternel sans condition, c’est l’héritier de Papa, son sang et sa chair. Et aussi ses yeux et sa bouche.
Daniel est immobile, assis dans le salon, habillé sur son trente et un, mal rasé mais très bien coiffé. Je n’avais jamais réalisé qu’il faisait vraiment plus vieux que son âge. Il a l’air soucieux. Pourtant c’est la fête, le réveillon du nouvel an. Quelques voisins sont venus à la maison. Papa et Maman virevolte d’invités en invités. Quelqu’un dans un coin de la pièce prend des photos, flash, flash et encore flash. Flash sur Daniel.

Spoiler:

Daniel tourne la tête et sourit, mais c’est trop tard.
Quand nous recevons un exemplaire des clichés la semaine suivante, j’enlève la photographie du lot, je la garde pour moi. Je l’ai toujours sur moi, pour me rappeler le courage de mon frère jumeau, ce jour-là, qui a pris le risque de voir ses deux parents et sa sœur se détourner de lui au nom de la vérité. J’ai eu du mal moi au début c’est évident. C’est un peu étrange cette histoire-là. Maman aussi, plus que moi ; parfois elle cessait même de parler. Mais Papa était presque fier, si fier de son rejeton qu’il l’emmenait partout avec lui. Et parfois, quand on lui demandait « Avez-vous déjà songé au mariage de vos enfants ? », il répondait d’un air immensément fier, le visage radieux et serein : « Oh vous savez, mon garçon est un homosexuel, il aime les hommes. Que voulez-vous. Quant à Elke… Ma foi, peut-être qu’elle épousera une femme un jour qui sait ! » Bien peu de gens riaient mais il s’en moquait et il continuait. Il savait que cela amusait Daniel. Et puis un jour, Daniel et moi avons eu dix-huit ans. Cette année-là j’ai rencontré le fils d’un ami d’enfance de Papa, un Allemand de Berlin qui vivait en Autriche. J’ai eu un coup de foudre et j’ai quitté Brighton pour le rejoindre chez lui. J’ai appris que quelques jours plus tard, Daniel avait aussi quitté la maison pour aller aux Etats-Unis. Je crois que les regards désapprobateurs des gens et l’hésitation de Maman le minaient au fond. Tout ce qu’il veut c’est qu’on l’aime, peu importe la façon.

Partie ii : The Modern Age
Qu’est-ce que ça fait de moi, d’avoir embrassé avec un garçon hier soir ? Et de n’avoir jamais couché avec une fille ? Je le saurai bien après avoir essayé les filles. Je saurai enfin si je suis de cette race de malades comme on en entend parler à la radio. Je me demande si je ne devrais pas essayer ce soir. Quand les parents sont couchés, sortir et aller en ville, aller dans les quartiers dans lesquels je ne mets jamais les pieds, la petite rue obscure qui fait la jonction de S. Street avec St R. Street. Là je saurais ! il y a toutes ces femmes qui n’attendent qu’un peu de monnaie pour te rendre service. Je n’aurais qu’à prendre avec moi suffisamment de liquide, 50 ou 60 livres seraient largement suffisantes. Même pas besoin de m’habiller correctement, un jeans et un large pull en laine noire, avec un col roulé pour que je puisse me cacher le visage si je reconnais quelqu’un. Des chaussures, pas de chaussettes –j’ai honte de le dire, mais pas non plus de sous-vêtements, le plus vite ça se fera le mieux ce sera. Il fera nuit noire, je ne sortirai pas avant dix heures. Heureusement que les parents se couchent tôt et s’endorment vite avec leur tisane. Dehors bien sûr, il n’y aura pas grand monde, on est en dehors de la saison estivale. (Je suis à présent dans la petite rue, il y règne ne obscurité terrible jusqu’à ce que, sous un lampadaire, j’aperçoive un trio de ces femmes toutes vêtues de cuir, lascives et séduisantes, mais au fond si repoussantes. Elles ricanent en me voyant passer. « Et petit, une pipe ? » Je m’arrête, souris, sors une liasse de billets et réponds « Oui. » en regardant la plus laide des trois dans les yeux.)
Pour la deuxième fois de la soirée, je marche seul dans l’obscurité de Brighton. Cette fois-ci, je n’ai aucun but, j’erre. Je ne veux pas rentrer à la maison, j’ai trop honte de moi, et j’ai peur aussi que mes actes, ou plutôt mes non-actes et ma couardise se lisent sur mon visage et que le regard de Papa se détourne de moi avec dégoût. Je me rappelle que quelques rues plus loin, près de F. Street, il y a une autre petite rue sombre et déserte ; dans cette rue m’a-t-on dit se trouve une boite de nuit clandestine, un lieu de plaisir et d’amusement où, je crois avoir compris, tout le monde est heureux le temps de la nuit. Je me dis pourquoi pas, j’ai besoin d’un petit remontant. Je me fiche de l’heure à laquelle je vais rentrer, j’ai l’impression d’être ivre. On danse, on danse et on danse. On boit aussi, et on fume. Sur les platines, David Bowie. Puis Cher. Puis Bowie à nouveau, pour la beauté de la chose. Je tombe amoureux de lui ce soir-là. Bowie devient ce fantasme qui se plante en moi et ne me quitte plus. Je suis tellement euphorique, tellement excité par Bowie, tellement emporté par cet étalage de couples d’homos que je finis par embrasser un garçon que je ne trouve même pas vraiment beau. On danse et on s’amuse lascivement, des jeux coquins, mes premiers émois sexuels. A un moment où nous attendons d’être servis au bar, lui appuyé contre mon dos, quelqu’un nous prend en photo.

Spoiler:

Mon amoureux du soir prend le polaroïd et le glisse dans la poche de mon jean. Je sors mon portefeuilles, en extrait l’une des liasses de 10 livres qui s’y trouvent et la tend au barman en donnant à mon partenaire de l’instant sa bière. In the dark we can touch one another now/In the dark we can be happy now/In the dark we can dance tight now/In the dark from 1 to 3 Ces mots me viennent à l’esprit. Plus tard peut-être quelqu’un en fera une chanson. Une chanson d’amour j’espère. Avec de la belle musique.
(Pour la deuxième fois de la soirée, je me déshabille entièrement ; mon pull-over, mon t-shirt ; mes chaussures puis mon pantalon. Pour la deuxième fois de la soirée je m’étends sur un lit qui n’est pas le mien, mais pour la première fois de la soirée je ne fuis pas ; pour la première fois ce soir je laisse quelqu’un toucher à mon corps et en faire ce que bon lui semble.)