m i c a h ▬ beetwen dream && reality

▬ Micah est quelqu'un de pudique, il n'est pas du genre à se balader à poil en toute circonstance, pas même chez lui, et encore moins dans les lieux publics. Pourtant, il est bien foutu mais n'aime pas qu'on le reluque comme un bout de viande. On le fait déjà assez quand il est habillé ... Certains peuvent le confirmer, après l'amour, il se recouvre du drap et peut parfois rougir si on le met à nu (littéralement parlant). Il a l'air d'un gamin dans certains de ses agissements au niveau de son corps. Ca lui rajoute du charme !
▬ Il fume. Trop au goût des autres. Un paquet en moyenne, jusqu'à deux les jours de grand stress. Lorsqu'il n'y a pas trop de monde à la boutique, on peut souvent le voir dehors, clope en bouche, assit sur le rebord de la devanture, avec un livre à la main ou le journal. Si vous voulez une technique de drague bateau, c'est de lui demander du feu il a toujours des briquets sur lui. Ca vaut pour l'inverse, c'est sa technique de drague préférée.
▬ Ne riez pas mais il se parle parfois à lui-même. Rarement à haute voix, plutôt dans sa tête. Cette conversation à tendance schizophrène lui permet de mieux ranger ses idées. Alors lorsqu'il a une tête de perdu lorsqu'il réfléchit, c'est un peu normal. Tout comme l'entendre discuter à voix basse avec lui-même. On peut le prendre pour un fou mais chacun sa méthode pour s'organiser dans sa petite tête.
▬ C'est un fou de littérature. Après tout, il a fait ses études dans ce domaine et bosse maintenant dans une librairie, même s'il a des ambitions plus hautes que ça. Les étagères de sa chambre sont remplies de bouquins et il en a souvent un à l'arrière de son jean. Micah s'y connaît mais ne sort pas ses connaissances à tout bout de champ non plus !
▬ Il a un fâcheuse tendance à toujours passer sa main dans sa chevelure ou à remettre en place sa mèche, quand il ne la met pas en arrière. Ses beaux cheveux sont sa fierté alors il en prend soin, les coiffe et n'aime pas vraiment qu'on lui touche. Après, il y a toujours des exceptions selon les personnes et les situations, bien sûr.
▬ C'est un secret, mais il écrit. Ne pensez pas à de la poésie mielleuse et cucul. Il écrit régulièrement des petites nouvelles, parfois en forme d'anecdotes, qu'il fait publier sous pseudo dans le Castro Times, ou alors ranger dans ses dizaines de cahiers griffonnés.
▬ Le jeune homme ne tient pas vraiment l'alcool contrairement à ce qu'il dit. Au bout de trois verres, Micah commence à faire un peu n'importe quoi. Heureusement, il a l'alcool joyeux en général, se lâche complètement ... et le regrette le lendemain lorsqu'il se retrouve dans l'appartement d'un type qu'il ne connaît pas. Alors si vous le voyez danser de tout son corps sur une piste de danse ou se mettre à draguer impunément, c'est qu'il est saoul. Profitez en, ce n'est pas tous les jours !
▬ En parlant d'alcool, ces derniers temps, il a tendance à un peu trop tâter de la bouteille. Il ne savait pas où noyer son chagrin et se saouler lui parut une alternative assez sympathique. Il oublie ses malheurs et se désinhibe totalement. Alors les débauches, ça y va !
▬ Il ne le dit pas mais il ne sait pas nager. Alors il va à la piscine mais reste la plupart du temps où il a pied. Et il déteste se baigner dans la mer, trop peur du roulement des vagues. Il trempe les pieds et reste à bronzer sur le sable. Ne le jetez jamais à l'eau, Micah déteste ça et peut vous faire la gueule pendant plusieurs jours. Mais bien sûr, il n'en parle pas, on ne se vante pas de ses faiblesses !
▬ Son petit frère est tout pour lui. Malgré parfois son air blasé quand on parle de Sidney la star du quartier, Micah admire son jeune frère si fier de ses tendances et son militantisme si actif. Il ne lui dit pas, cela ne servirait à rien, mais le jeune homme trouve que son cadet a l'étoffe d'une star.
▬ Il est sûrement le meilleur ami qui soit. A n'importe quelle heure du jour et de la nuit, si un ami ne va pas bien, il peut traverser le quartier à moitié endormi pour une âme en détresse. Micah est aussi le parfait confident, c'est souvent à lui que l'on raconte les petits secrets, même ceux qu'il aimerait ne jamais entendre. Et c'est toujours à lui qu'on demande des conseils en relations amoureuses, comme si c'était un

Si Micah est un peu connu, c'est pour deux raisons : la première est bien évidemment son frère, coqueluche du coin. Alors il l'habitude d'être "le frère de Sidney" et cela lui suffit car il ne cherche pas la gloire. Mais il est aussi le petit vendeur en librairie super mignon qui font la joie de certains à fumer une clope avec lui dehors ou soit-disant se faire conseiller pour un bouquin. En dehors de ça, il n'est pas un militant hyper actif, juste derrière la banderole du premier rang. Oui, il manifeste, il est pour Harvey Milk et les droits aux gays car c'est injuste de devoir se cacher ou travailler juste dans le Castro pour vivre tel que l'on est.

Il aime ce quartier pour sa simplicité. Pas besoin de cacher ses tendances, les gens ont l'air tellement détendu, cela fait du bien d'être soi. Micah n'a pas beaucoup vu de la ville en ces deux années, San Francisco lui est quasiment inconnu, mis à part la gare et Haight Ashbury où il va de temps en temps. Il n'a jamais vu le Golden Gate Bridge, honte à lui ! Le jeune homme se sent bien dans son petit quartier, il y a ses repères et ses amis, ça lui suffit. S'il devait reprocher un truc au Castro, ce serait la plupart des mecs un peu trop en chaleur. Tous les jours, il y a toujours un type pour venir à la boutique uniquement pour le draguer, sans oublier les fois où il se penche pour défaire les paquets et qu'il entend siffler ou voit derrière lui des types pour le mater. Mais le quartier était ainsi fait, il ne pouvait pas le changer !

▬ début de la vie

Cela hurlait fort au NorthWest de Seattle. Viriginia Livingston était entrain d'accoucher de son premier enfant, issu de son mari Steven avec qui elle s'était mariée un an auparavant. Ancien militaire, il ne laissait rien paraître de son stress dans la salle d'attente, sauf dans la manière de fumer ses cigarettes, trop nombreuses et malmenées entre ses doigts. Il ne cessait de répéter que tout allait bien, que sa femme était forte et que bien sûr, il aurait son enfant dans ses bras. Il espérait avoir un fils, un aîné qui aurait sa droiture. Virginia, un peu plus superficielle, espérait que l'enfant ait son blond et les yeux clairs de son mari. Enfin, à cet instant précis, elle ne pensait plus, maudissait plutôt la terre entière de cette souffrance. Si elle savait qu'elle réitérait l'expérience de l'accouchement quatre autres fois, dont une grossesse gémellaire, elle serait entrée chez les sœurs de suite après. Quand enfin le premier cri de l'enfant se fit retentir, elle se laissa tomber sur la table d'accouchement, le visage en sueur et ses cheveux blonds collés au visage mais rayonnante de joie. Le bébé était né, son fils était né. Oui un petit garçon, un petit Livingston se tenait à présent entre ses bras alors que Steven, sentant la clope à plein nez à force d'avoir épuisé son paquet, entra dans la chambre. La nouvelle famille se trouvait au complet à présent.
La suite de l'histoire est amusante, pas forcément pour tous. Steven, après avoir pris une cuite avec ses potes de régiment, avait décidé d'aller déclarer son fils à l'état civil, l'air encore groggy de la veille. Il avait voulu appeler son fils Michael comme un ami perdu au combat. Mais il lui était impossible de prononcer le nom correctement. La secrétaire tentait de comprendre. Après avoir compris Mischa, elle saisi Micah. L'heureux papa acquiesça et en ressortit tout content. Ce ne fut que le lendemain qu'il vit son erreur. Quel était ce nom hideux ? Il détestait mais Virginia trouvait cela mignon, original. Voilà comment Micah se prénomma ainsi et comment des années, son père l'appelait malgré tout Michael parce que c'était ainsi et pas autrement.

▬ Les joies d'être le grand frère

« Micah, viens jouer avec moi ! »
« Attends, j'arrive j'ai encore des devoirs à finir. »
« T'es pas drôle ... »

Et le petit garçon partit ballon sous le bras avec un air tout penaud. Lui, c'était Sidney, le deuxième de la famille, arrivé deux années après Micah. Et c'était dingue à quel point ils se ressemblaient : même blondeur coupé plutôt court sur ordre de leur père, même yeux d'un bleu intense, même frimousse. Ils ne pouvaient pas se renier. Alors qu'avec les trois autres soeurs et le petit frère, cela était moins flagrant. Ce qui divergeait pourtant était leur caractère. Micah fut éduqué plus durement que les autres, presque à la militaire et malgré ses huit ans, il était trop sérieux pour un enfant. Il devait connaître ses leçons par cœur, être toujours dans les premiers, voire le meilleur, dans tous les domaines. Il en avait arraché des larmes à force de voir son père le gronder pour qu'il puisse savoir enfin une table de multiplication ou une poésie. Et si sa mère le consolait, elle ne pouvait jamais le faire bien longtemps, l'autorité de l'homme reprenait souvent le dessus. Alors il apprenait sur le petit bureau de la chambre qu'il partageait avec Sidney. Ce dernier, plus indiscipliné, était dispensé de tout puisqu'il avait été un peu fragile à la naissance et Virginia le couvait, lui pardonnait tout et ne voulait pas que son mari le gronde. Alors il en profitait et passait la plupart de son temps à jouer au ballon dehors ou tourner autour de son grand frère pour qu'il joue avec lui. Et la son air tout triste rendit Micah aussi malheureux que les pierres. Il réfléchit – à savoir qu'il réfléchissait déjà trop pour son jeune âge et que ça n'allait pas aller en s'améliorant – puis se dit que comme leur père était parti, il pouvait bien s'octroyer une petite récréation bien méritée.

« Sidney ! Je viens jouer avec toi. »
« Chouette ! »

Rien n'aurait fait plus plaisir au garçon de deux ans son cadet que de partager un petit moment entre frères, juste autour d'un ballon. Ils avaient bien une autre sœur mais les filles, c'est nul d'après leur conception du monde. Elle pleurait souvent, avait peur du ballon et voulait toujours leur donner sa poupée pour faire un câlin. Répugnant et ils étaient incapable de faire plaisir à la petite de 3 ans plus de quelques secondes. Voilà pourquoi ils passèrent en courant devant elle avant qu'elle est eu le temps de balbutier le prénom de l'un d'eux ! Leur petite maison en banlieue de Seattle, presque à la frontière canadienne, possédait un petit jardin où leur mère étendait le linge et où les enfants pouvaient jouer sans trop s'éloigner. La partie de ballon s'annonçait laborieuse car Micah n'était pas un enfant très sportif, il préférait lire dans son coin et avait quelques difficultés en sport, ce qui lui valait quelques corrections lorsqu'il présentait une mauvaise note dans cette matière, puisqu'il excellait dans la plupart des autres. Mais là, c'était un jeu marrant avec son frère qui semblait son jumeau avec autant de traits communs, juste la taille les démarquait. Et après une vingtaine de minutes à taper dans le ballon, le jeu changea. Un classique gendarme et voleur où Sidney jouait le voleur car c'était « plus drôle » selon lui. Les voilà à se courir après, rire à gorge déployée tellement ils s'amusaient. Jusqu'à la chute. Sidney n'avait pas vu la pierre et tomba de tout son long sur l'herbe. Il s'était écorché le genou et commença à sangloter.

« Je vais me faire gronder, j'ai tâché mon pull... »

Si leur père ne criait jamais sur son plus jeune fils, il le ferait s'il voyait ça, à crier qu'ils ne gagnaient pas beaucoup d'argent, qu'il fallait prendre soin des affaires qu'on lui offrait. Micah eut une idée et courut jusqu'à la salle de bain où, après avoir grimper sur une chaise, il prit un pansement, du coton qu'il mouilla et revint aussi vite que ses pieds pouvaient aller. Il nettoya le sang avec approximation, mit le pansement et fit se redresser son frère.

« Donne moi ton pull. »
« Pourquoi ? »
« Donne, c'est tout. »

Le petit garçon donna son pull un peu trop grand et reçu celui de son frère encore plus grand. Micah était serré dans son nouveau haut mais au moins Sidney paraissait propre.

« Les garçons ! Au bain ! »

Ils se dirigeaient vers la porte quand une voiture se gara dans l'allée. Leur père rentrait de son travail et n'avait pas loupé la couleur verdâtre sur le haut blanc de l'aîné ! Le garçon fit mine de ne pas l'avoir vu pour aller au bain mais trop tard, Steven hurla son nom. Alors il se stoppa net et laissa passer son petit frère pour qu'il aille se laver tandis que lui alla, tête baissé, jusqu'à son paternel qui allait lui préparer une punition pour ne pas respecter ses vêtements. Mais valait toujours mieux lui que Sidney ...

▬ La découverte de la vie

Il n'est jamais évident de traverser l'adolescence sans subir quelques dégâts, aussi bien physique que psychologique. A presque 16 ans, Micah avait grandi. Du petit garçon, il était devenu un espèce de grand dadet qui devait se remplumer. Il faisait du sport pourtant, il jouait au volley et se débrouillait plutôt bien sans pour autant se destiner à une carrière sportive. Il n'avait ni la carrure ni l'ambition pour cela, son père l'avait une nouvelle fois forcé à trouver une activité physique plutôt que de le voir à lire en casant difficilement ses grandes jambes sur le canapé. Steven ne supportait pas de voir son fils si passif, il voulait le voir bouger, devenir un homme. Mais à force de se faire engueuler pour toutes les choses du monde, Micah s'était renfermé sur lui-même, devenu peu sociable. Il n'était pas évident de se faire des amis quand on lui a hurlé pendant des années que telle personne était conne, tel groupe d'individus n'étaient pas à fréquenter … Conservateur jusqu'au bout de ses cheveux blanchissants, Steven haïssait la plupart des gens dits à part : personnes de couleurs, homosexuels ... Difficile de s'épanouir dans ce genre de situation. Il s'en était sorti en se créant sa petite bulle sans personne pour le déranger lorsqu'il se plonge dans ses livres ou alors juste fermer les yeux, allongé sur son lit à se voir ailleurs. Lui vouloir du pays mais pas à cette époque, il s'était rêvé dans ces cours d'Europe au temps des rois, être un chevalier d'une table ronde, un voyageur sur sa caravelle pour découvrir un nouveau monde … Tout était mieux que cette maison étriquée pour six enfants et deux parents. D'ailleurs, on l'avait relégué au grenier, pas vraiment aménagé mais Micah s'en moquait, il ne lui fallait pas grand chose.
Les punitions avaient cessé, le lycée lui prenait du temps lorsque son père venait contrôler ce que faisait son aîné, il le voyait plonger dans ses leçons. La famille Livingston n'avait pas de grands moyens et décrocher une bourse était la seule solution pour entrer à l'université. Il ne savait pas encore laquelle mais travaillait dur pour y arriver. Au point de se désintéresser du reste. Si, il avait des amis, heureusement pour lui mais Micah avait toujours préféré la qualité à la quantité, cela lui suffisait amplement. Les filles ? Il n'avait ni le style ni le physique de plaire aux demoiselles, il le savait et vivait pour l'instant bien avec. Les garçons ? Avec un père comme le sien, il était à mille lieux d'y penser ! Et pourtant …
Comme après les entraînement ou les matchs, tous passaient par la case douche. Pas franchement à l'aise en public ni à poil, la combinaison des deux lui semblait improbable, il se dépêchait soit pour être le premier et se laver à toute vitesse ou, comme c'était souvent le cas, le dernier. Quand on passe après tout le monde, on n'a pas à se presser et puis personne n'allait s'amuser à l'attendre. Micah avait la chance de ne pas être non plus une victime de ses camarades, il n'aurait plus manquer que ça ! Il était dans la masse dirons non, loin d'être populaire mais loin d'être celui à qui on fait des misères. Mais ce jour d'entraînement, le prof le fit se dépêcher et il ne put échapper à la règle d'une douche collective. Heureusement qu'il faisait chaud et que, déjà, de la vapeur d'eau envahissait la pièce, personne ne verrait le visage rouge de honte de jeune homme. Il ne regardait personne et tentait de faire abstraction de l'entourage mais à entendre les rires et les conversations, cela lui était impossible. Puis un grand éclat de rire lui fit tourner la tête, machinalement. Et là, voir cette scène de garçons nus sous la douche lui procura une sensation dont il ne s'attendait pas, resta bouché bée quelques instants à les regarder sans pouvoir décrocher ses yeux bleus avant de se rendre compte d'un coup de ce qu'il faisait. Il sortit à toute vitesse de la douche, s'habilla en quatrième vitesse aux vestiaires où d'autres garçons à poil ou presque se tenaient. Il n'avait jamais fait aussi vite pour faire tout ça à la fois. Il avait marché vite jusqu'à chez lui, le visage toujours aussi rouge et l'esprit totalement embrouillé. Chez lui, il ne prit pas le peine de dire bonjour aux amies de sa mère et descendit dans sa chambre avant de se coller à la porte, l'air terrifié : la vision des douches le hantait, l'image étaient gravées sur ses paupières et il rougissait à chaque fois un peu plus quand il y pensait. Un mélange d'excitation et de honte le prenait au corps simultanément et littéralement. « Non c'est mal, je peux pas ... » répétait-il dans un souffle un nombre incalculable de fois pour s'en convaincre … ce qui ne marcha pas. Le lendemain, il quitta l'équipe. Cela fit enrager son père mais si ce dernier savait que son aîné faisait ça pour respecter les tendances homophobes de son paternel, cela aurait été différent. Il avait pris une bonne résolution le soir suivant : trouver une copine.


L'été 69 portait bien son nom. Le frère de son père, son oncle quoi, les avait invités à venir chez lui dans l'Idaho où, avec sa nouvelle compagne, ils vivaient depuis son divorce. Difficile de caser six enfants. Ah oui, la famille s'était agrandi depuis ! Il y avait donc Micah (17 ans), Sidney (15 ans), Margareth (12 ans), les jumelles (7 ans) et Victor (4 ans). Les plus jeunes partirent chez leur grand mère installée à Vancouver tandis que les plus grands partirent en vacances avec les parents, c'était équitable. Micah avait hâte de voir cette fameuse maison de campagne avec piscine et tous ces lacs, bois et diverse nature à visiter. Il avait travaillé dans un fast-food une partie de l'été pour se payer à la rentrée une voiture ainsi que d'épargner pour l'université. Un peu de repos ne lui faisait pas de mal. Après cinq heures de route, dont une consacrée à s'être perdu dans les chemins, la famille Livingston put enfin descendre de la voiture pour se dégourdir les jambes, surtout Micah qui peinait à l'arrière de caser ses longues jambes. Il avait encore changé, avait arrêté le sport d'équipe mais faisait énormément de vélo, légèrement plus baraqué qu'avant et il s'était un peu décrispé. Ce n'était pas non plus le fêtard de l'année mais il s'était forcé à aller un peu vers les autres, surtout les filles. D'ailleurs, il sortait à cette époque avec une demoiselle, cela durait depuis 5 mois et il en était content. Elle était partie en vacances en Europe mais lui avait promis de lui écrire, lui de même. Déjà à cette époque, Micah avait un cahier où il écrivait des petites nouvelles, de brèves histoires griffonnées, raturées et parfois non finies mais c'était sa passion. D'ailleurs, il s'était promis de s'inscrire au journal du lycée et comptait bien peaufiner sa plume durant l'été.
Chez Henry, son oncle, et Teri, c'était vraiment le paradis. La maison était immense, avec une magnifique piscine à la terrasse, vue sur la verdure partout où l'on regardait. Quand Henry vit le grand garçon il le serra dans ses bras

« Micah ! Comme tu as grandi ! Tu ne pourras pas t'ennuyer ici, Teri a un garçon un peu plus vieux que toi, ça te fera un ami. Andrew ! Viens saluer nos invités ! »

Plus du genre solitaire, Micah fit qu'un petit sourire mais n'aimait pas qu'on lui file un inconnu dans les pattes pour en faire un ami. Il changea rapidement d'avis lorsqu'il vit arriver un garçon a la musculature assez prononcée sous son t-shirt moulant, les cheveux courts noirs et yeux d'un vert pétillants avec une peau légèrement mate par le soleil. Les pulsions qu'il avait refoulé pendant des mois revinrent à la charge dans un galop hallucinant. Ce type était trop beau pour être vrai, il ne pourrait pas être naturel avec un tel canon. Son bonjour se fit du bout des lèvres et il partit rapidement en faisant croire qu'il aidait son père pour les valises. On lui donna la chambre avec vue sur la piscine, et au loin, une immense forêt. Un parfait paysage qui calma quelques instants sa tourmente. Comment éviter ce garçon qui vivrait sous le même toit pendant deux semaines et avec qui il était sensé devenir ami ? Toute une problématique à mettre en place.

Il réussit les deux premiers jours en se réveillant tard, assez en tout cas pour que l'autre parte en balade. Les deux frères Livingston passaient du temps ensemble avant que chacun vaque à ses activités : Sidney allait faire le zouave dans la piscine tandis que Micah, à l'ombre, lisait tranquillement un bouquin on se reposait sur le transat'. C'était très bien ainsi. Jusqu'à ce qu'on se mêle de sa vie.

« Micah ! Pourquoi tu ne vas pas nager ?

Il n'eut pas le temps de répondre que son père répondait à sa place.

« Cet imbécile ne sait pas nager ! Il a soit disant peur de l'eau. »

Derrière son bouquin, le visage du jeune homme se crispa. Qu'il y avait-il d'imbécile à ne pas savoir nager ? Ce n'était pas sa faute si on l'avait traumatisé. Son prof de natation l'avait violemment poussé dans le grand bassin pour qu'il apprenne à se débrouiller tout seul. Ca a juste eu pour effet de le terrifier et presque de se noyer. Steven avait décidé de lui apprendre lui même, mais n'étant pas la douceur incarné, il avait utilisé exactement la même méthode, celle combinant débrouille et endurance. Faire ça a un gamin de six ans la première fois et neuf la deuxième eut pour effet de provoquer une panique quand il n'a pas pied. Puis de toute façon il n'aimait pas se foutre en caleçon de bain. Le chapitre de la natation aurait pu être clos si une voix derrière lui n'aurait pas fait une proposition aussi stupide qu'alléchante.

« Je pourrais t'apprendre moi. »

Il s'était retourné pour voir Andrew de retour d'une promenade, avec le t-shirt trempé par la sueur et collé contre son torse bien fait. Sur que c'était très tentant. Mais il fallait décliner pour deux raisons : la plus valable était que Micah ne se sentait pas capable d'apprendre à nager ; la deuxième, plus personnelle, est que se retrouver en compagnie d'un garçon aussi sexy n'était pas bien dans le sens où il avait du mal à se contrôler. Mais encore une fois, ce n'est pas lui qui répondit.

« Parfait ! Tu lui montreras ce qu'est un homme. Et n'hésites pas à le secouer un peu ! »

Quand il repensa à cette phrase quelques jours après, le jeune en avait ri vu le double sens que ça a pris … Mais pour l'heure, il ne fit que se replonger dans son livre, sans même chercher à contrecarrer l'autorité paternelle, tout juste hauss t'il les épaules. Il tentait de ne pas tenir compte de la présence du beau mec à un mètre de sa chaise lorsqu'il sentit qu'il s'était approché à son oreille pour lui parler tout bas.

« Promis, je te jetterais pas dans l'eau comme un bourrin ni rien. Il y a un lac pas loin, on ira là. »

Le ton de sa voix était dénué de toute intention perverse ou autre, au contraire. Mais le souffle chaud contre la nuque, Micah n'avait pas pu retenir son excitation, à peine eut il le temps de retenir un sursaut. C'était malin, il ne pouvait plus se lever pour cause de montée d'hormones, il put juste replier ses jambes et resta une bonne dizaine de minutes sur la même page pour se calmer. Ah non, il ne pourrait aller apprendre à nager avec ce type !
Pourtant, le lendemain, les deux garçons s'étaient rendus à un bon kilomètre de la maison, dans une espèce de clairière avec un joli lac au centre. Mais il ne voulait pas aller nager.

« J'ai peur de l'eau, je vois pas pourquoi j'apprendrais à nager. »
« T'es défaitiste ! Je suis sûr qu'un condamné à mort est plus heureux d'aller voir la mort. »
« Merci de ta comparaison ... »
« En même temps avec un père comme le tien, on comprend pourquoi t'es comme ça. Allez viens, on va y aller en douceur. »

Cette phrase aussi eu un double sens mais pas aujourd'hui. Il s'était deshabillé à contre-cœur avant de s'asseoir au bord, les pieds dans l'eau tandis que l'autre avait déjà plongé et fit une remarque lorsqu'il sortit la tête de l'eau.

« Oh je te croyais plus maigrichon que ça.T'es pas mal foutu, quelques muscles aident toujours pour nager. Allez. »

C'est ce qu'il fit mais Micah ne put pas rester bien longtemps, il n'avait pas pied, à quelques centimètres près mais cela faisait toute la différence. Il remonta aussitôt, se rhabilla et repartit sans un mot, déçu de son comportement stupide et infantile pour un type de 17 ans mais il n'y arrivait pas. Il ne voulait plus se ridiculiser avec sa stupide peur de l'eau et pour lui c'était clair, fini les cours de natation. Mais il aimait bien le calme autour du lac, loin de la maison où tous se réunissaient et parlaient bruyamment. Quelques jours plus tard, il lisait tranquillement dans l'herbe dans la clairière mais personne n'avait du comprendre qu'il voulait se reposer, et pas tenter une nouvelle expérience dans l'eau. Voilà pourquoi, il fut surpris d'entendre une fois familière derrière lui.

« Alors, prêt à recommencer ? »

Alors que Micah se retourna pour répondre, il garda la bouche entrouverte par le spectacle devant lui d'un bellâtre entrain de se déshabiller avec une sensualité naturelle en retirant son t-shirt, mais il le stoppa au moment où il allait défait les boutons de son jean.

« Je … je sais pas qui t'as dit ça mais non, je suis juste là pour la tranquillité. »
« Allez, tu vas pas faire ta minette à ne pas persévérer. Viens à l'eau. »
« Non. »
« T'es chieur, tu sais ! »
« Ouais … mais j'irais pas. »

Et sans crier garde, Andrew s'était jeté sur lui et essayé de le tirer à l'eau. Coriace !

« Hé ! Lâche moi ! »

Il n'arrivait pas à se relever mais réussi à faire tomber le jeune homme. Cela était aussi bon enfant, aucun d'eux n'avaient pour volonté de faire mal. Andrew tentait donc maintenant de retirer le t-shirt de son ami avant de le jeter dans le lac. La mini-bagarre dura quelques minutes avant que cela ne bascule : le beau brun se mit plus à caresser le torse de Micah, qui eut pour effet de lui couper le souffle et stopper net de se débattre. Il n'a pas eu le temps de comprendre que l'autre posait sa bouche sur la sienne. Il en avait tellement rêvé, à s'en réveiller en pleine nuit, qu'il crut un instant que s'en était un autre. Mais forcé de constater que ce baiser était tout ce qu'il y avait de plus réel ! Alors peu à peu il se détendit et se laissa faire. Puisqu'il ne pouvait pas aller contre cette envie et qu'on lui offrait le type parfait, il se jeta dans le gueule du loup. Et sans aller plus loin pour cette fois que baisers et caresses tout au long de l'après midi, ils rentrèrent comme si de rien n'était. Ils passèrent la deuxième semaine à parfaire l'éducation sexuelle de Livingston qui connut sa première fois avec un type, non sans en rougir mais qu'est ce que ça faisait du bien de pouvoir se lâcher un peu. En plus, se dire qu'il allait à l'encontre de l'autorité paternelle rendait cette expérience davantage jouissive. On comprend mieux l'enthousiasme du garçon les étés suivants à se rendre chez son oncle pour « se ressourcer avec la nature » qu'il disait avec un large sourire faussement innocent.

Princeton. Il n'en revenait toujours pas d'y avoir été accepté. En même temps, il le méritait amplement vu ses efforts pour réussir et avoir une bourse. Traverser le pays avec ses bagages tout seul comme un grand après que sa mère ait pleuré à l'aéroport et son père lui faire un énième sermon sur les dangers de la vie étudiante. La peur que son fils n'entre dans une quelconque débauche. Il avait de la chance, Micah n'était pas du genre fêtard, du moins pas encore, il était devenu un peu plus sociable qu'avant mais pas au point de se lâcher complètement.
L'université fut encore un autre monde. Loin de l'autorité paternelle, il pouvait rentrer à l'heure qu'il voulait, emmener des gens dans sa chambre sans avoir à subir un interrogatoire et surtout faire ce qu'il voulait. Steven lui reprochait toujours cette passivité, toujours dans un coin avec un bouquin au lieu de faire un peu de sport avec des jeunes de son âge. Du sport, il en faisait mais pas forcément celui que son père croyait … Lorsqu'il posa ses valises dans sa chambre, un large sourire s'accrocha à ses lèvres, tellement heureux de découvrir le sens du mot liberté. Il se fit rapidement à l'ambiance, suivait les cours de littérature, de sociologie et d'histoire avec grande attention. Les quelques amis qu'il avait s'amusait de le voir toujours un bouquin dans le sac ou à la maison, comme une drogue. Le livre et la clope, ses deux addictions qu'il pouvait combiner à condition de ne pas brûler les pages avec la cendre, ce qui lui arrivait. C'est là aussi qu'il découvrit qu'il ne tenait pas l'alcool. Les cuites commençaient à partir de trois ou quatre verres et là tout était possible. Désinhibée, il pouvait faire tout et n'importe quoi. Mais qu'importe, il découvrait les joies de la fête et des dérapages incontrôlés. Il se réveillait souvent sur un canapé miteux ou dans un lit avec une fille, rarement la même. Le pied total !
C'est là qu'il rencontra Spencer, un brun mince aux traits fins, adorable et avec qui il discutait pendant des heures sans blancs, une grande connexion entre eux. A tel point que le soir où Micah, après deux verres, l'embrassa, ce fut tout naturel. C'est avec lui qu'il eut sa première relation sérieuse avec un type. Cela était bien plus naturel que cela pouvait paraître. Ils restaient discrets sur leur relation, on ne sait jamais avec les mentalités de l'époque, bien que nous étions en pleine révolution sexuelle, certaines personnes n'évoluaient pas avec le temps.

« Tu sais que t'es trop mignon avec cet air si sérieux à chercher ton bouquin. »
« Arrête, y a du monde. »
« Mais non, personne ne nous regarde. »

Dans l'immense bibliothèque où le silence régnait, Spencer traquait son petit ami dans les rangées où il savait le trouver, Micah n'était pas un être imprévisible. Et quand ils pouvaient, quelques baisers s'échangeaient et souvent, ils manquaient de justesse de se faire repérer et le jeune homme rougissait malgré lui, et faisait semblant de chercher le livre qu'il voulait. Spencer tentait de le décoincer. Micah était plus spirituel, un peu idéaliste dans l'âme. Mais il se décoinça. Il ne fallait pas non plus chercher un changement radical de personnalité mais un peu de confiance en soi ne faisait jamais de mal. Il apprenait enfin à accepter ce qu'il était : il sortait avec un beau mec, il était gay et puis c'est tout. Cela dura le temps de l'année scolaire.

La deuxième, Spencer n'était pas revenu, il n'était pas dans sa chambre ni aucune autre, l'administration même n'avait pas de nouvelles. Il s'était envolé comme ça, sans le prévenir ni quoi que ce soit. Ce fut un choc pour Micah qui, après avoir versé quelques larmes sur son sort, avait repris le cours de son existence à se créer de nouveaux repères les deux années suivantes avant d'obtenir son diplôme, major de sa promotion, avec la fierté de rentrer chez lui. Mais pas forcément très heureux. Il est parfois difficile de trouver quelqu'un. Les filles, il n'y avait pas vraiment de soucis car il était un beau jeune homme, plutôt bien foutu, à la fois intelligent, fêtard et amusant. Mais les mecs, c'était une autre paire de manche ... Ces années furent de vache maigre. Quelques fois, il s'était rendu jusqu'à Trenton ou avait embarqué quelques potes à New York juste pour assouvir quelques pulsions qu'il ne contrôlait pas. Et puis il fallut rentrer ...

▬ direction san francisco

Dans le train, il régnait un long silence entre les deux frères. Tout était allé si vite que l'aîné, yeux à moitié cachés par sa mèche blonde, revoyait la scène séquence par séquence.
Il était revenu depuis quelques mois et en attendant de pouvoir passer une thèse pour devenir professeur de littérature, il s'était octroyé une année sabbatique et travaillait dans une bibliothèque à Seattle. Il vivait toujours au grenier mais Sidney l'avait rejoint, laissant en bas les plus jeune. Sidney avait 20 ans et était un magnifique garçon, avec une coupe similaire à son aîné, les mêmes yeux et traits. La ressemblance allait jusqu'à ce que son frère lui dise qu'il était gay. Les deux avaient les mêmes penchants mais le cadet ne le savait pas, Micah n'en avait parlé à personne. D'ailleurs, il comptait garder ce secret pour lui, ne voulait pas se mettre son père à dos. Déjà que ce dernier avait pesté de voir son aîné stopper pour un an ses études « au prix où ça a nous a coûté » répétait il souvent. Tout se passait plutôt bien, l'aîné cachait les tendances de son cadet en prétextant une soirée entre frères. En fait Micah allait au cinéma et son frère allait rejoindre son petit ami. Une fois dans leur chambre/grenier, Sidney avait l'envie irrépressible de raconter sa soirée et son frère l'écoutait en silence, content que le blond face à lui s'assume autant qu'il ne ressente aucune honte. Sidney avait naturellement présenté son petit ami à Micah, si heureux pour son frère alors que lui se cachait toujours. Même s'ils vivaient dans une grande ville, les ragots allaient toujours bon train. Alors Livingston aîné menait une double vie : il sortait avec une fille pour la façade, l'avait présentée à ses parents juste pour qu'ils lui fichent la paix et, parallèlement, il sortait avec des mecs. Enfin, il y en a eu quatre ou cinq, des amants récurrents car il ne pouvait pas lutter. Il avait beau aimer les filles, il ne restait jamais bien longtemps avec elles, trop tenté d'aller voir ailleurs. Lui, défenseur de la fidélité se gardait bien de le raconter.

Mais comme souvent, les bonnes choses ne durent qu'un temps. Les friands de ragots viennent toujours tout gâcher. Ce jour là, Micah avait travaillé et son frère était sorti. Le soir, l'aîné, avec ses cheveux trop longs comme répétait aussi son père, lisait tranquillement en biais dans le canapé, sa position préférée pour la lecture. Dos contre un accoudoir et jambes pendantes sur l'autre, il avait vu son père et M. Jenkins parler. Ce quinquagénaire à moitié chauve ne s'était jamais marié et finirait sans aucun doute tout seul. Mais il avait une passion : les ragots. Il savait qui faisait quoi, où, quand, comment. A croire qu'il suivait tout le monde à la fois. La pensée d'un monde de dégarni en pull à carreaux et pantalon beige à chaque coin de rue fit sourire le jeune homme dans son fauteuil, avant de voir que son père ne souriait plus et partit dans la cuisine parler à son épouse. Micah n'eut pas le temps de se lever que Sidney passait la porte, le regard si triste que l'ainé comprit que quelque chose n'allait pas. Mais pas le temps de l'emmener au grenier et discuter, à peine le temps de se rassoir. Steven Livingston hurla comme un fou, on ne comprenait que la moitié des paroles mais une chose était sûr : M. Jenkins avait vu Sid' et son copain de disputer dans la rue, avait tout entendu, savait que le cadet était gay.

« Sors de chez moi!!»

C'est la phrase qui fut plus forte que les autres. Il virait son propre fils de son toit ! Et sous les yeux de toute la famille ! Sidney ne se rebella même pas et monta à l'étage faire un sac pour s'en aller. Sans réfléchir, Micah fit de même et monta à son tour préparer un sac avec fringues, bouquins, ses notes et quelques économies. Sid' avait déjà passé la porte quand son père l'arrêta en l'attrapant par le bras.

« Et tu vas où ? »
« Je peux pas le laisser tout seul. »
« Il ne fait plus partie de cette famille. »
« C'est mon frère. »

C'est l'unique fois qu'il se rebella contre son père, il ne pouvait pas laisser son frère quitter la maison, surtout s'il avait quitté son copain. Et voilà comment ils atterrirent à la gare, à prendre ce train pour San Francisco avec les économies de l'aîné qui d'ailleurs brisa la glace.

« Pourquoi là-bas ? »
« Tu lis pas les journaux ? Tu connais pas Harvey Milk ? »
« Merci je sais qui c'est, c'est moi qui te passe les journaux. Et alors ? »
« Là bas, je pourrais arrêter de me cacher. Toi tu n'avais pas à venir, tu aurais du mener ta petite vie. »
« Quelle petite vie ? »
« Ton diplôme, ton avenir, ton boulot, ta copine ... »
« Mes amants. »

C'était tombé comme une bombe ! Personne n'avait su les penchants de Micah, pas même son jeune frère qui s'en étonna ! Et plutôt que de le juger, il le prit dans ses bras. Voilà comment commença la nouvelle vie à San Francisco. Libres.

▬ le castro et ses habitants

Tout était nouveau. La ville, le monde, les responsabilités. Les garçons durent trouver un toit, mais pour cela il fallait un boulot. En attendant, ils vivaient dans un hôtel qui était plus un hôtel de passe qu'autre chose mais il fallait bien dormir quelques part. Rapidement, ils furent engagés : Sidney comme DJ et Micah comme libraire. Lui qui pensait reprendre ses études, ce ne serait pas pour tout de suite ! Puis la maison fut trouvée, les deux frères se retrouvaient colocataires mais pas toujours d'accord. Devenu célibataire, Sidney sautait tout ce qui bougeait et les conquêtes ne se faisaient pas tarder. Étonnant parfois de se lever la tête dans le cul et de voir un inconnu à poil dans la cuisine. Mais ça faisait partie du quotidien, aussi improbable que cela était. Micah aimait sa nouvelle vie, pas besoin de se cacher ici mais quel choc de passer de la clandestinité à se faire draguer en pleine rue ou se faire serrer dans les chiottes d'une boîte. Mais certaines rencontres auraient mieux fait de ne jamais avoir lieu ...

« Je te vois tout seul depuis quelques minutes, je me disais que c'est criminel de laisser un aussi beau mec tout seul. »
« J'attends quelqu'un en fait. »
« Ils disent tous ça … Jusqu'à ce que j'arrive. »
« Et les chevilles se portent bien ? »
« A merveille ! Mais pas que … »

Micah sourit et tourna la tête. Il avait rendez vous avec une bande d'amis pour une soirée mais s'était retrouvé un peu trop en avance alors sirotait un verre en attendant. Mais le beau mec à côté de lui n'avait pas l'air d'en démordre en posant sa main sur la cuisse du beau blond.

« Dis moi au moins ton nom. »
« Ca t'apportera pas grand chose. »
« Hé ! Micah ! »

Ses amis l'attendaient dehors et il s'était retourné. Pas difficile pour l'autre de connaître son prénom à présent.

« Hé bien Micah, j'espère te revoir dans le coin. Moi c'est Marcus. »

Micah sourit et partit. Il n'avait pas vraiment l'intention de revoir ce type avec sa technique à deux balles. Mais il fallait avouer qu'il était carrément canon et qu'il serait bien laissé tenter juste pour une nuit. Ce n'était pas tous les jours qu'on croisait un aussi beau gars ! Mais il le rencontra à nouveau, le lendemain. Marcus ne semblait pas vouloir le lâcher et Micah prit un malin plaisir à le faire languir, à ne pas se laisser aller dans ses bras tout de suite. Mais souvent, l'arroseur devient l'arrosé et prit à son propre piège, Livingston dut bien se rendre compte qu'il était de plus en plus difficile de résister.

Ils sortirent ensemble durant six mois. Pas six mois de parfaite idylle puisque Marcus aimait aller voir régulièrement ailleurs. Au début, Micah ne le sut pas, puis il le nia mais forcé de constater que tout le monde avait raison et que ce type était incapable de rester fidèle plus de deux jours consécutifs. Micah ne tint plus et décida de le quitter. Et au lieu de le retenir, Marcus en rit. Le pire est que depuis, il lui court après et après chaque déception amoureuse, Livingston retournait le voir car il le connaissait assez bien pour ne plus s'attacher et repartir quand il le voulait. Mais il ne s'est pas consolé dans ses bras la dernière fois alors l'autre lui tourne autour comme un vautour !

Mais heureusement, que certaines rencontres relevaient de retrouvailles les plus improbables !
« Micah, Micah Livingston c'est toi ? »
« Heu ... oui, on se connaît ? »
« Tu ne me reconnais pas ? Faut dire que j'ai changé ! »
« Je suis désolé mais non. »
« Tu te souviens de Spencer tout de même ? Hé bien c'est moi ! »

Micah manqua de s'étouffer et le regarda avec des grands yeux ronds. Comment le Spencer qu'il connaissait était devenue une si jolie femme, surnommée Kim ? Ils s'étaient rencontrés à l'université quelques années plus tôt. Il était encore un garçon, très beau aux traits fins. Ils vivaient dans la même résidence à Princeton et au départ, il ne s'agissait que d'une amitié simple, avant que Micah atterrisse dans son lit sans vraiment l'y forcer. Ils ont passé d'avant les vacances de Noël jusqu'à la fin de l'année scolaire ensemble avant que Spencer ne s'en aille, sans donner de raison à Micah ni laisse un mot.

▬ les brutes, la victime et le sauveur

Parfois on se dit parfois que certaines situations auraient mieux fait de ne jamais avoir lieu. Puis, en réfléchissant, on se dit que finalement c'était pas plus mal puisque cela engendre des rencontres qu'on aurait jamais imaginé. Un exemple ?
Un soir, Micah rentrait chez lui après avoir une soirée avec quelques amis et regarder son ex Spencer, aujourd'hui devenu une femme à part entière, danser et montrer à tous les individus de la salle sa beauté et son magnifique corps. Il est étrange d'avoir été quitté par un homme et le retrouver des années plus tard, après une importante chirurgie, avec une paire de seins et autres attributs féminins. Et comme il avait du boulot le lendemain, le garçon ne s'était pas attardé au spectacles et avait décidé de rentrer et se faire accompagner par un de ses amis qui habitait un plus loin que lui. Cela aurait pu être une soirée tout à fait banal où Micah et son ami auraient marché en discutant, que le second aurait laissé le premier sur le pas de la porte, où alors que l'un fasse monter l'autre chez lui. Rien de très sensationnel. Mais voilà, parfois dans le Castro, certaines personnes refusent ce quartier gay qui est une offense à la morale et à l'ordre. Alors parfois, des types viennent pour « casser du pédé » comme ils disent si bien … Les deux garçons ne les avaient pas vu, tout juste sentis que trois types marchaient derrière eux. Et quand on les appelait, Micah ne daignait pas tourner la tête car il détestait qu'on l'accoste avec des trucs style « Hé la blonde ! » comme eux l'appelaient. Il aurait peut être du, il aurait vu leur tête et aurait pu courir, changer de trottoir, s'abriter dans un lieu public. D'un coup, un des types le tira en arrière par le col et il fut forcé de constater qu'on n'appelait pas pour draguer. Son pote, courageux comme une poule, était parti en courant, laissant son ami seul face à trois types menaçant dont il ne sortirait pas indemne. Deux choses lui vinrent en tête à cet instant. La première est qu'il ne savait pas se battre, il n'avait vraiment eu l'occasion en fait et le seul poing qu'il se rappelait, c'est quand un petit con avait insulté son ami-amie. Après, il ne s'en rappelait pas … Puis face à trois mecs, le plus bagarreur se sentirait menacé. En deuxième, il se rappela qu'il y a deux semaines, on avait retrouvé un type mort vers Church Street, un gay évidemment, jeté dans une poubelle comme une simple ordure avec des inscriptions racistes au feutre sur son corps. Il ne voulait pas finir ainsi …
Le reste fut flou car un poing partit en la direction de son nez, suivit d'une nuée de coups et il avait beau tenté d'esquiver et tenter de rendre la pareille, il se heurtait à un des trois et en reprenait davantage, avec la flopée d'insultes que je n'écrirais pas ici. Micah savait à peine où les types frappaient tellement il avait mal partout, tombé au sol et n'arrivant pas à se relever plus de quelques secondes. Puis l'un d'entre eux le tira par les cheveux et lui cracha au visage avant de le jeter au sol. C'était l'humiliation totale et finalement, le sort du type dans la poubelle était peut être la meilleure. La tête lui tournait, il saignait du nez et voyait trouble d'un coup mais vit un quatrième type, sauf que celui-ci se battaient contre les crânes rasés avec force. On rêve parfois d'être un héros ou une sorte de prince charmant pour sauver la demoiselle en détresse. Micah ne se trouvait pas l'étoffe d'un héros, pas le courage ni la carrure mais avait longtemps sourit en imaginant qu'on venait le sauver d'un quelconque pétrin, il l'avait trouvé. Retrouvant peu à peu sa capacité à bouger, il regardait au sol et essuya le crachat sur son visage du revers de sa manche avant de fermer les yeux pour étouffer ces larmes humiliantes.

«  Est-ce que ça va ? Rien de cassé ? Je m'appelle Carter Keepers, CJ, pour les amis, autrement dit tout le monde. »

« Micah Livingston, ça va... »

«  Tu saignes du nez, viens, suis-moi, j'ai des pansements et du coton chez moi... ça va nous aider je sens... »

Là seulement il leva les yeux face pour voir à quoi ressemblait ce garçon courageux. Non seulement son sauveur avait du sang-froid et de l'aplomb pour se mesurer à ces sales types, mais en plus il était super beau ! Micah le regarda pendant plusieurs secondes, pas vraiment glamour avec son visage rougi sous les coups et le nez en sang. Qu'importe, il allait se faire soigner par le plus beau type qu'il n'avait jamais vu. A force de l'observer, il avait l'abstraction que la main tendue de Carter venait l'aider à se relever. Enfin, il se décida à la prendre et se remettre sur ses jambes doucement. Voilà comment ils se rencontrèrent. La soirée se poursuivit chez CJ, Micah avait besoin de soin et d'un endroit où aller car il ne pouvait pas rester seul après un tel traumatisme, puis il ne voulait lâcher son chevalier. Les contes de fées existent, la partie sauvetage avait été réalisé.

▬ rêves impossibles

Monsieur le doyen,

Suite à ma lettre de motivation, ci-joint une nouvelle afin de vous prouvez mes capacités de style en matière de littérature.

Cordialement,

M.D.Livingston

Citation :

Parfois, on ne demande rien. Au bord du chemin, à marcher d'un pas nonchalant sur le courant de la vie en pleine ébullition, on se sent parfois à part, à l'écart de vivre dans une bulle que personne ne comprend. Dans cette sphère aux fines parois, pouvant éclater à chaque instant des attaques quotidiennes, on s'y complait à rêver. Rêver, ce mot si doux et si vaste. En effet rêver à quoi ? A l'avenir? Il y a tant de choses au présent. A la vie ? Il faut la vivre, pas la rêver. A l'amour ? S'il y a bien un sujet sur lequel le rêve est intarissable, c'est bien l'amour. Certains imaginent leur idéal selon une couleur de cheveux, d'yeux, la forme de sa bouche, les contours de son corps, les qualités essentiels, les atouts non négligeables ; il est beau d'imaginer un idéal parfait, parfois certains le trouvent, d'autres non mais il se forge au fil des années, des rencontres et expériences. Puis l'amour peut être une personne réelle, avec un physique palpable dont nos yeux s'imprègnent pour ces jours sans amour où on se plait à penser à façon de marcher de ce pas assuré, de voir ce corps bien fait sous un t-shirt légèrement moulant, ce sourire et cette façon de regarder qui nous transporte sans qu'on ne puisse rien dire. On m'a souvent répété que l'amour gardé secret ne sert à rien. Si, il sert à ne pas souffrir une fois encore, de devoir encore ramasser les morceaux d'un cœur brisé qui ne veut plus d'un seul être dans sa vie, seulement dans ses pensées. Cela suffit, on se contente d'une parole, d'un moment, d'un sourire. On aspire à plus mais on recule car on connaît les conséquences à aller plus loin. Après tout, se laisser aller à aimer un chevalier revient à faire un trou dans l'eau, ça ne mène nul part. Pourtant on reste là, à contempler cette statue vivante, presque à lui vouer un culte pour vous avoir sauvé la vie. S'il était possible, vous donneriez votre corps en sacrifice pour ...

La feuille se froissa sous les mains du garçon blond. Il n'arrivait pas à écrire une nouvelle ou un petit essai correctement. Il essayait de reprendre ses études à Stanford, l'université se trouvait en retrait de la ville. Il voulait devenir, parmi d'autres choix de carrière, professeur de littérature. Il lui fallait encore deux années d'études pour y arriver. Ne voulant pas quitter San Francisco, il avait le choix l'université de la ville, Berkeley et Stanford. Autant choisir la plus prestigieuse puisqu'il était quand même sorti major de sa promotion à Princeton. Mais pour reprendre ainsi, il fallait envoyer une lettre de motivation ainsi qu'une publication écrite. La secrétaire lui avait proposé un commentaire de texte ou une dissertation sur l'œuvre (ou passage) de son choix ou alors un essai. Et cela faisait six fois qu'il recommençait et de toutes façons, il s'arrêtait là. Il n'aurait jamais les moyens d'investir encore dans des études, la fac était trop chère malgré ses économies mises de côté et son petit boulot de libraire qu'il avait trouvé. Le dossier de candidature mis sous un tas de papiers, il alla se coucher, épuisé d'avoir tant réfléchi pour rien. Puis, curieux, il se releva pour lire le dernier passage écrit. Il n'en revenait pas d'avoir couché sur du papier des choses trop personnelles, comme à son habitude. Puis il retourna se coucher, dans sa petite bulle à se complaire dans ses rêves avec un certain sauveur ...